Le déficit démocratique des villes canadiennes pendant le COVID-19

Par Anneke Smit, Hana Syed, Aucha Stewart, Terra Duchene et Michael Fazzari

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Les municipalités du Canada ont été confrontées à certains des problèmes de gouvernance les plus difficiles de la pandémie du COVID-19. Bon nombre des décisions qui touchent le plus directement la vie quotidienne des Canadiens ont été prises par les municipalités. Celles-ci comprennent l'accès aux parcs et terrains de jeux, les changements au service de transport en commun, la disponibilité des services municipaux, y compris les bibliothèques, les centres communautaires et les installations de loisirs, l'application des exigences de distance physique dans les espaces publics, la fermeture des centres commerciaux, l'utilisation des terres et les changements aux politiques de transport pour permettre une augmentation les pistes cyclables et piétonnes, et - plus tard dans la riposte à la pandémie - s'il fallait adopter des règlements sur les masques et quels soutiens, le cas échéant, étaient nécessaires pour permettre aux petites entreprises de rester à flot.

De plus, avant la pandémie, les villes étaient déjà à l'épicentre de la gestion de certaines des crises majeures de notre temps: le changement climatique (et les modèles de croissance non durables), l'aggravation des inégalités socio-économiques et la pénurie de logements abordables, pour quelques. La violence raciale et la brutalité policière qui sévit en Amérique du Nord depuis des siècles ont été mises en évidence le 25 mai 2020 par le meurtre de George Floyd, un homme noir, aux mains d'un policier blanc à Minneapolis, Minnesota . Cet événement horrible a mis en lumière le racisme systémique et la violence raciale subis par les Noirs, les Autochtones et les autres personnes de couleur (BIPOC) dans les villes d'Amérique du Nord, envoyant des millions de personnes dans les rues en signe de protestation et amplifiant les appels à un changement institutionnel profond. Bon nombre de ces mesures ont inclus des demandes pour que des voix plus nombreuses et plus diverses soient entendues par les décideurs municipaux et pour une consultation plus significative avec les personnes les plus profondément touchées par les décisions prises.

Pourtant, pendant la pandémie, les déclarations d'état d'urgence ont contribué à créer une situation dans laquelle des décisions majeures étaient prises dans les municipalités canadiennes par les maires et / ou les administrateurs municipaux, avec une contribution limitée des conseils élus, des comités et commissions permanents ou des membres du public.

La capacité des résidents à influer sur les décisions qui les affectaient - la gouvernance participative - était limitée alors que des décisions importantes sur des questions allant du service de transport en commun, aux amendes de distanciation physique, à la fermeture d'entreprises locales étaient prises. Si ces limitations de la gouvernance participative affectent tous les résidents, elles ont un impact particulier sur les communautés vulnérables dont les intérêts ont déjà tendance à être sous-représentés dans la prise de décision municipale. Ces communautés - et en particulier les Noirs, les Autochtones et les Gens de Couleur (BIPOC) - ont également été parmi les plus profondément affectées par le COVID-19.

De plus, bien que la pandémie ait exigé une prise de décision rapide sur des mesures destinées en grande partie à être temporaires, bon nombre de ces décisions auront des coûts d'opportunité et des impacts potentiels à plus long terme pour les municipalités à court de liquidités tirées dans plusieurs directions. Le résultat est que certaines des décisions les plus importantes à prendre par les municipalités dans l'histoire récente ont été prises avec peu ou pas de contribution de la part des personnes susceptibles d'être les plus touchées.

Dans le contexte des cadres législatifs provinciaux permettant les états d'urgence municipaux partout au pays, le Windsor Law Centre for Cities a publié son premier rapport, sur les états d'urgence et la gouvernance participative dans les municipalités canadiennes pendant le COVID-19. Cette étude présente une analyse des pratiques décisionnelles municipales au cours des premières semaines de la pandémie de 2020. Bien que les réponses aient été aussi variées que les cultures de gouvernance sous-jacentes des municipalités canadiennes, certains modèles ont émergé: l'exercice de pouvoirs unilatéraux de maire, l'annulation des réunions du conseil et des comités et de profondes limitations de la participation du public à tous les niveaux de prise de décision municipale.

L'étude met également en évidence des signes encourageants, notamment certaines municipalités qui ont réussi à poursuivre une solide consultation publique et une prise de décision participative même au début de la pandémie, ainsi que certaines nouvelles pratiques qui continueront d'améliorer la gouvernance municipale lorsque la pandémie se retirera. Il se termine par des recommandations pour la réforme de la législation provinciale sur l'état d'urgence ainsi que des changements aux pratiques de gouvernance municipale, afin de s'assurer que les gouvernements locaux du Canada sont mieux préparés à la prochaine urgence - qu'il s'agisse d'une autre vague de COVID-19 ou de quelque chose de nouveau.

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Recommandations clés

Les provinces, grâce à une réforme législative, devraient

  • clarifier les conditions dans lesquelles un état d'urgence municipal peut être déclaré ou prolongé, y compris si des cadres législatifs différents peuvent être nécessaires pour les urgences de santé publique en cours et les urgences plus immédiates et à court terme
  • obliger les maires à consulter le conseil municipal sur la prise de décision dans la mesure du possible pendant les états d'urgence
  • exiger que les réunions du conseil, des comités et des commissions se poursuivent et demeurent publiques, dans la mesure du possible, pendant l'état d'urgence
  • renforcer la consultation publique et les autres exigences de participation du public dans la prise de décision municipale en cas d'urgence

Les municipalités devraient

  • continuer à adhérer autant que possible aux cadres décisionnels «normaux» pendant les états d'urgence
  • donner la priorité à la participation du public à la prise de décision municipale pendant les états d'urgence
  • veiller à ce que les consultations publiques se poursuivent pendant les états d'urgence, en évoluant au besoin et en fonction de l'évolution des circonstances
  • veiller à ce que les communautés les plus touchées par l'urgence et les mesures d'urgence soient dûment consultées lors de la prise de décision
  • donner la priorité à la consultation des communautés vulnérables et des personnes les plus directement touchées par l'urgence tout au long de l'état d'urgence
  • continuer, après la pandémie, certaines des innovations dans les méthodes de gouvernance participative qui se sont développées pendant le COVID-19
  • envisager l'adoption de règlements / politiques sur l'état d'urgence avec des dispositions propres à la communauté sur les critères et la gouvernance pendant les états d'urgence