Leilani Farha

Chargé de mission, logement et sans-abrisme

Leilani est la directrice mondiale de The Shift, un mouvement international visant à garantir le droit au logement. Lancé en 2017 avec le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme et Cités et gouvernements locaux unis, The Shift travaille avec des parties prenantes à plusieurs niveaux dans le monde entier pour faire progresser le droit au logement, y compris dans plusieurs municipalités au Canada.

Leilani Farha est également l'ancien rapporteur spécial des Nations unies sur le droit au logement. Son travail en tant que rapporteur était animé par le principe selon lequel le logement est un bien social et non une marchandise. Leilani a contribué à l'élaboration de normes mondiales en matière de droits de l'homme sur le droit au logement, notamment grâce à ses rapports thématiques sur les sans-abri, la financiarisation du logement, les établissements informels, les stratégies de logement fondées sur les droits et les premières lignes directrices des Nations unies pour la mise en œuvre du droit au logement. Elle est le personnage central du documentaire PUSH sur la financiarisation du logement, projeté dans le monde entier.


Mary W. Rowe, de CUI, s'est entretenue avec Leilani avant les élections fédérales et lui a demandé : quelles sont, selon vous, les priorités des villes alors qu'un nouveau gouvernement prend en charge l'intendance du Canada ? Voici ce que Leilani avait à dire.

Rapprochement

Je pense que le Canada doit s'engager à fond dans la réconciliation avec les peuples autochtones, car nous sommes vraiment à la traîne dans ce domaine. Comme l'esclavage pour les États-Unis, les mauvais traitements infligés aux peuples autochtones le sont pour le Canada. C'est un héritage qui s'infiltre dans toutes nos institutions et qui fait partie de notre ADN culturel. Et même si nous avons connu des niveaux d'immigration et d'engagement envers les nouveaux arrivants beaucoup plus élevés et que nous nous sommes établis sous diverses formes, cet héritage reste avec nous et refait toujours surface. Il n'est pas résolu. Nous devons nous attaquer à la racine et aux causes de ces problèmes, à l'héritage permanent du colonialisme et à la manière dont il infuse toutes nos structures. Je pense qu'avec la découverte des tombes des pensionnats au début de l'année, le moment est venu.

Le traitement passé et actuel des populations autochtones au Canada et les problèmes qu'elles rencontrent constituent un enjeu urbain majeur. Lors de la récente conférence sur le leadership du CUI, intitulée "Getting to Zero : Solving Homelessness", Fran Hunt-Jinnouchi, l'une des panélistes, a déclaré que si les autochtones représentent 5 % de la population de Victoria, ils constituent 30 % des sans-abri. Dans certains endroits comme le nord de l'Ontario, les autochtones représentent 90 ou 99 % des sans-abri. La situation est grave. Et ce que nous ne reconnaissons pas, c'est que les populations autochtones sont urbaines. 80 % d'entre eux vivent dans les villes du Canada.

J'ai eu le privilège de travailler en Australie et en Nouvelle-Zélande, et même si les résultats n'y sont pas meilleurs que chez nous en ce qui concerne la santé, le bien-être, les droits, etc. des indigènes, je pense qu'il y a eu une plus grande prise de conscience au niveau local qu'au Canada. Je pense qu'il y a eu davantage de prise de conscience au niveau local qu'au Canada.

Le démantèlement du "club"

En tant que femme racialisée qui n'est jamais perçue comme une femme racialisée en raison de son apparence, j'ai vraiment l'impression qu'il existe un club et que je n'en fais absolument pas partie. Est-ce que je pénètre le club ? Peut-être. Le club m'écoute-t-il ? Oui. S'inquiète-t-il de moi ? Oui. Mais je ne peux qu'imaginer que si j'étais Brown ou Indigène, ce club serait encore plus inaccessible. Lorsque je parviens à pénétrer dans le club, c'est parce que je passe.

Il faut démanteler le club et redistribuer le pouvoir. C'est une question de pouvoir. Les espaces pour les communautés racialisées s'ouvriront et s'assoupliront lorsque cela se produira.

Je suis en train de créer une nouvelle organisation, The Shift, et je dois résister aux structures coloniales, même au sein de ma propre organisation. Nous sommes constamment en train de réfléchir à cette question. Devrions-nous avoir un conseil d'administration ? Qui a le droit de parler aux médias ? D'où vient la hiérarchie ? S'agit-il d'une structure coloniale ?

Les droits de l'homme comme cadre de responsabilisation

Au Canada, nous attendons du gouvernement fédéral qu'il soit le garant de nos droits par le biais de la Charte des droits et libertés. Nous devons réconcilier l'approche descendante et renforcer les capacités à tous les niveaux de gouvernement pour mettre en œuvre cette notion. Le gouvernement fédéral a reconnu que le logement est un droit de l'homme, mais ce que je constate dans mon travail, c'est que les autorités locales sont les mieux placées pour mettre en œuvre les droits de l'homme, mais qu'elles ne sont pas prêtes. Elles ne savent pas ce que cela signifie et ne disposent pas des ressources nécessaires. En fait, certaines municipalités n'ont aucune idée des obligations qui leur incombent en matière de droits de l'homme.

Une approche fondée sur les droits de l'homme n'est pas le seul moyen d'aborder ces questions, mais un cadre de droits de l'homme permettra de responsabiliser les gouvernements. Les gouvernements vont et viennent, mais les droits de l'homme sont un pilier.

Il y a des choses que j'aime dans le cadre des droits de l'homme. Il se concentre sur les individus et les communautés et sur les obstacles structurels auxquels ils sont confrontés et qui les privent de leurs droits. Vous entendez directement les personnes confrontées au problème et elles vous disent ce qu'est le problème. Il ne s'agit pas d'une approche descendante, où le gouvernement nous dit quel est le problème. Vous vous concentrez sur les obstacles systémiques et structurels.

J'aime aussi utiliser l'approche des droits de l'homme pour rassembler les gens et créer de nouveaux rassemblements et de nouvelles structures qui incluent tous les niveaux de gouvernement. C'est ce que me disent le groupe de travail "Droit au logement" et les municipalités avec lesquelles nous travaillons. Ils souhaitent une plus grande coopération intergouvernementale sur les questions de logement et de sans-abrisme.